lundi 5 décembre 2011

Elections 2011 - recette d'un échec annoncé

Aujourd'hui les mêmes gouvernorats que pour le 28 et 29 novembre retournent aux urnes, pour élire l'Assemblée du peuple, qui est la Chambre basse du Parlement. On va faire un zoom le système, et vous allez voir que ce n'est pas du basboussa.

Ici, on aime faire les choses simplement. Et pour qu'on se marre un peu, on élira les représentants de l'Assemblée comme suit:
- on votera en trois étapes réparties sur quatre mois. A chaque étape, un tiers des 29 gouvernorats d'Egypte votera.
- 498 membres de l'Assemblée du peuple seront élus par les citoyens (c'est-à-dire, s'ils arrivent à se faire faire une carte d'électeur d'ici là). Parmi ces 498 membres:
          - un tiers (166 sièges) par un scrutin uninominal majoritaire à deux tours
          - deux tiers (332 sièges) par un scrutin proportionnel à listes, a un tour.
-10 autres seront désignés par le chef du Conseil Suprême des Forces Armées (SCAF) et chef d'Etat de facto pour l'instant, le conspué maréchal Hussein Tantawi.

NB.: A propos, cette Assemblée ne servira à rien: le SCAF est toujours au-dessus d'elle et ils parlent plus fort. Pour les dernières nouvelles concernant le possible renversement du Maréchal, se renseigner place Tahrir (mais je vous avertis que les chances sont minimes).

Donc ce qu'on fait ce matin et demain, c'est le second tour des élections d'un tiers de l'Assemblée au scrutin majoritaire. Parce que bien sûr, personne n'a eu la majorité absolue, 50% des voix +1; donc on est repartis.

Ce matin, personne dans les bureaux de vote. Il y a huit jours, il y avait une queue de 8 heures devant toutes les écoles, et personne n'en démordait. Je n'ai pas vu ce qu'il en était en sortant du boulot; peut-être que les gens ont décidé d'y aller après le travail pour ne pas perdre encore la journée. Ou alors, il se pourrait bien qu'ils ne sachent pas qu'il y a un deuxième tour des élections. Personne ne comprend rien au système, d'abord (vous allez voir pourquoi plus tard). Ensuite, jusqu'à hier soir, on pensait tous qu'elles étaient annulées; c'est ce que disaient les communiqués de presse. Et ce matin, on découvre qu'elles ont lieu. 


Garons-nous là juste un instant pour faire un état des lieux des élections jusqu'à présent: comme c'est Sciences Po qui m'a appris à écrire et qu'ils aiment la symétrie versaillaise, j'ai trois points positifs et trois points négatifs.

Ce qui est bien, c'est qu'elles ont eu lieu. Ceci avec Tahrir recouvert de gaz, alors qu'à la veille on n'était même  pas sûr qu'elles seraient maintenues, pour cause de sécurité. Aussi, elles se sont déroulées gentiment, sans bain de sang, même pas d'émeutes. Et finalement, beaucoup de gens y sont allés, et parmi eux beaucoup de femmes. Les élections importent aux gens et ils veulent s'assurer qu'on ne les leur vole pas. C'est drôlement bien, vu qu'avant ils s'en foutaient; le manque de suspense, ça vous détruit la motivation tout de suite.

Ce qui est moins bien, c'est que c'est le bazar. Il n'y a pas de procédure fixée pour régler les problèmes administratifs et de comptage: alors on improvise, il faut bien, et les choses sont faites différemment dans chaque bureau de vote. En plus, le personnel est mal entraîné et n'a pas vraiment d'idée de ce qu'il fait, pas plus qu'il ne sait comment s'y prendre; tout ça ne joue pas en faveur des comptes d'apothicaire.
Ensuite, il leur a quand même fallu 4 jours pour publier les résultats de la première tournée, alors qu'ils avaient prévu un seul jour; c'est-à-dire qu'ils ont été publiés vendredi au lieu de mardi soir. Le miracle, c'est comment ils ont réussi à organiser le deuxième tour des élections majoritaires du premier tiers des gouvernorats pendant le week-end. Probable que les candidats ne savaient même pas qu'ils étaient au deuxième tour jusqu'à cet après-midi.
Finalement, selon les pratiques internationales, ça ne se fait pas d'annoncer les résultats d'élections partielles. Ca influence l'opinion des gens, ça excite les ardeurs et ça incite à taper sur le gars d'en face.

Ce n'est pas un fiasco. Mais pour que d'ici quatre mois, ça donne quelque chose sur lequel on puisse se faire les dents, il va falloir qu'Allah soit drôlement coopératif. 

Mon avis, c'est que peu importe qui gagne ces élections, finalement. Ce qui importe, c'est comment elles se déroulent, parce que le but c'est quand même que les gens y retournent la fois prochaine, pour éjecter les vainqueurs de celle-ci dans l'hypothèse où ils ne seraient pas contents. Comme ils sont rodés au boycottage indolent, ça n'arrivera que s'ils ont confiance dans le processus; et s'il n'y a pas trop de dégâts pour l'instant, la route est longue et le fil est mince d'ici début mars.




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