jeudi 25 août 2011

Koumkoum en images

Quelques photos, on m'a dit que ça parle mieux que mille et un mots.




L'Iftar, la rupture du jeûne, sur les coussins bleus. Ici, Hind et sa maman, Hamzawi et moi. Manque Charlotte, qui prend la photo.



La belle Hind, mi-marocaine mi-française, qui est repartie faire son master à Paris maintenant. Et Hamzawi, l'ami égyptien qui nous a conduites toutes les 4 à Koumkoum (et protégées en se mordant les ongles pendant la nuit de course dans le désert du Nord-Sinaï ;)
On devine juste l'Arabie Saoudite dans la brume le soir... mer d'huile, lumière douce et repas qui sent bon depuis les fourneaux! Ce sont les quelques minutes avant l'Iftar.



Amazing Flagman, Israel, Egypte et Gaza









Un Egyptien escalade jusqu'au dernier étage de l'ambassade d'Israël pour décrocher le drapeau et mettre à la place un drapeau égyptien...



Si ce n'est qu'un symbole, que ça sent le roussi depuis longtemps déjà et que c'est pas demain qu'on égorgera les moutons de l'Aid ensemble, ça fait quand même froid dans l'estomac.



Pas d'autres commentaires de ma part, vous les lirez sous l'article.

dimanche 14 août 2011

Koumkoum, Sinaï

Koumkoum est un camp bédouin dans le Sud-Sinaï, sur la côte de la Mer Rouge, sans électricité et avec peu de réseau. Koumkoum est l'endroit rêvé pour ne faire absolument rien.

C'est ce qu'on m'avait dit, en tout cas; mais vous en jugerez. Qu'est-ce qu'on peut faire à Koumkoum?

Baisser la tête pour entrer pieds nus sous le grand toit de feuilles de palmiers et profiter de son ombre étendue sur les tapis bédouins aux cent couleurs et aux noeuds fluo.
S'asseoir autour des tables basses avec le cheikh le soir et fumer le haschich; lui demander des nouvelles de ses quarante-cinq fils.

Traduire "everything good" avec Hafez, le soudanais, dans tous les langues à disposition, y compris les signes.

Comprendre pourquoi la Mer Rouge s'appelle mer Rouge en flottant dans l'eau salée au coucher du soleil, et regarder la côte saoudienne baignée de lumière lie-de-vin et ses montagnes qui plongent dans l'eau en lui laissant leur teinte.

Laisser la porte ouverte le soir en se couchant sur le matelas d'une hutte pour que la brise du matin entre.

Faire un pied-de-nez à l'Arabie Saoudite en pataugeant en bikini juste devant ses côtes avant le petit-déjeuner. Commander une omelette aux légumes, une salade et du thé pour le matin.
Enfiler un masque et un tuba et aller se faufiler entre les coraux pour épier les beaux poissons à la lorgnette sans qu'ils le sachent. Avoir peur de bêtes cent fois plus petites que vous.

Revenir aux coussins bleus sur les tapis, boire du thé et lire. Ecouter les Israëliens à côté jouer de la derbouka.

Se perdre dans le reflet de la lune sur l'eau, à l'instant où sa clarté tranchante le dispute encore à la quiétude brumeuse et rose du soleil qui s'en va. Faire glisser le regard sur les montagnes et se demander quand finit l'Arabie Saoudite et quand commence la Jordanie.

Partager l'Iftar, la rupture du jeûne, avec les bédouins qui ne font même pas semblant de jeûner.
Jouer au backgammon - la taouila - en essayant d'apprendre les chiffres turcs pour annoncer les dés pendant qu'on vous explique la stratégie en arabe. Faire oui de la tête.

Koumkoum c'est l'endroit rêvé pour ne faire absolument rien. Bien sûr, si vous n'en avez pas assez, vous pouvez aussi vous perdre sur le chemin du retour en ratant le tournant pour le Caire, vous retrouver au bout de 4h de route perdu dans le Nord-Sinai où les bédouins ne sont pas commodes, essayer de redescendre vers Suez et vous faire arrêter par tous les check points du désert parce que vous êtes trop près de Gaza, reprendre à 2h du matin la route de Koumkoum pour recommencer depuis le début, s'arrêter à 3h devant la pompe à essence et attendre son ouverture à 6h, et finalement arriver au Caire à midi le lendemain.

N'en retenez qu'une chose et retenez celle-ci, l'attitude fondamentale qui vous aidera à traverser la vie et les déserts la nuit.

C'est l'attitude IBM: Incha'Allah Bukra Moumkin.

Si Dieu le Veut Demain Peut-être.

mardi 2 août 2011

Révolution du 25 Janvier - et après...

Ramadan Kareem tout le monde! ("Généreux Ramadan", et on répond "wa Allah Akram" : Allah est plus généreux encore.)

Vous avez peut-être vu que les manifs de vendredi dernier étaient les plus massives depuis Janvier. Ca s'est bien passé, mais elles ont été récupérées par les Islamistes. J'y suis allée avec Marion, Charlotte et Paul, des expats aussi, et quand on est arrivés vers 16h, de grandes processions d'hommes barbus en galabeya blanche criaient "Etat islamique! Etat islamique!" et "Relève la tête, tu es musulman!", leur version du slogan de la Révolution du 25 "Relève la tête, tu es Egyptien".

Nous étions décemment couvertes et non voilées; en passant à côté de nous, un des hommes s'est couvert les yeux pour ne pas nous voir.

On s'est rendu compte au bout d'un moment que certaines estrades étaient vides, et qu'il n'y avait presque que des barbus. En fait, les organisations civiles qui avaient convoqué le sitting sur la place Tahrir avaient deja commencé à abandonner la place, sans doute pour ne pas être associées avec les revendications islamistes.

A la décharge des barbus, on est sur qu'eux au moins n'essayeront pas de nous pincer et caresser les fesses en profitant des mouvements de foule. On ne peut pas en dire autant du reste des hommes sur la place.

Maintenant, si on parle politique, je pense que les partisans de l'Etat islamique doivent comme tout le monde donner leur avis au moment où le dialogue politique national décide de l'avenir du pays. En revanche, je vois quelques facteurs qui brouillent le dialogue et peuvent finir par le fausser:

- la position des Islamistes en Egypte est assez vague (peut-être intentionnellement), et c'est difficile de savoir sur quelle sorte de système étatique et social le compromis doit être trouvé, donc c'est difficile de discuter.
- il y a beaucoup de tensions en Egypte quand on parle de projets de société: l'islamisme fondamentaliste connaît un renouveau inspiré et boosté par l'Arabie Saoudite (maintenant il y a toujours 2 ou 3 femmes voilées jusqu'aux yeux dans le wagon de metro), mais une élite de businessmen libéraux se fait de plus en plus entendre, et au sein même d'une organisation comme les Frères Musulmans, dont la présence au sein de la société ne peut être négligée, il existe un conflit entre la vieille garde, traditionnaliste et conservatrice, et la nouvelle génération libérale. Tout ça est recouvert d'un gratin de préjugés et de réactions à fleur de peau qui bloquent le dialogue.
- la communauté internationale, et surtout occidentale, met beaucoup de pression contre un Etat islamique, sans toujours avoir bien regardé ce que ça voudrait dire exactement en Egypte selon ses partisans (Frères Musulmans ou d'autres). Personne ne le sait vraiment et surtout pas moi, mais je pense que ça vaut le coup de ne pas rejeter l'option en bloc sans savoir de quoi il s'agit.

La seule chose dont je suis sûre, c'est qu'on ne pourra pas s'entendre et trouver un système de vie commune sans briser le vernis épais de peurs et de clichés à travers lequel on regarde tout ça. Peut-être que la solution est un Etat islamique, s'il se fonde profondément sur la tolérance et le respect de la différence. Peut-être que ce n'est pas possible dans la pratique, parce que la minorité rigoriste intolérante est toujours celle qui se fait le plus entendre. Dans ce cas-là, je ne sais pas si un Etat civil et laïque (un vrai, pas une façade) est praticable dans la société égyptienne, compte tenu que la religion est le fondement et le cadre de son mode de vie; c'est une vraie question.

Je ne sais pas quel est le type d'Etat qui permettrait aux gens de vivre en gagnant leur pain et sans se taper dessus; mais quel qu'il soit, ma conviction c'est qu'il doit absolument promouvoir le respect de la différence. Ca sonne cliché, mais au stade de reflexion où j'en suis, c'est la condition sine qua non sur laquelle je retombe tout le temps (et cela n'engage que moi). Je crois que c'est un vrai choix de société: accepter ou non la différence, et s'il semble une évidence dans un pays comme la France, ca n'empêche pas qu'on devrait se reposer la question au moment où
les différences s'habillent en burqa. Jusqu'à récemment je ne savais pas quoi en penser; je suis en train de me faire un avis là-dessus, lentement, je le partagerai autre part.

Pour en revenir à l'Egypte, demain 3 août, c'est le jugement très attendu d'Hosni Mubarak, qui doit se tenir à l'Académie de Police au Caire. Ca va peut-être chauffer, peut-être pas, en tout cas c'est tendu.
Et je viens de recevoir un e-mail disant que l'Alliance des Forces Révolutionnaires appelle à des marches quotidiennes à partir de demain jusqu'au milieu du Ramadan, toutes les nuits à 22h a partir de place Abdeen et jusqu'à la place Tahrir, pour demander la libération de 66 manifestants arrêtés hier sur Tahrir.

A suivre...