mercredi 29 juin 2011

"C'est la révolution ici, traînez pas trop, et bienvenue au Caire"

Premier jour au Caire. Le voyage commençait fort hier, déjà avant de quitter Charles de Gaulle: l'avion annonçait une demi-heure de retard. Pas de problème jusqu'ici, je m'inquiète seulement un peu d'Ali, le chauffeur-prof d'arabe attitré d'Alice, qui va devoir m'attendre à l'aéroport.

Mais à la porte d'embarquement, une foule de gens qui se marchent sur les pieds les uns des autres, femmes voilées, hommes en cravate, hommes en polo rose, des enfants qui courent partout, et deux petites hôtesses de l'air complètement dépassées: elles prennent le micro deux fois, trois fois pour expliquer aux gens qu'on ne partira pas tant qu'ils n'auront pas reculé et libéré la porte d'embarquement, mais rien à faire. Je ne sais toujours pas ce qui s'est passé, mais tout le monde s'énervait devant la porte et personne ne bougeait, et nous on regardait ça sans comprendre et en rigolant avec une dame et un monsieur étrangers assis devant. Et cela jusqu'à ce que Zorro fût arrivé, sans se presser et sous la forme d'une petite vieille dame avec une veste jaune fluo, qui fendait la foule du haut de son mètre 20, et qui devait avoir une botte secrète sous la veste, parce que tout le monde a commencé à reculer gentiment et à dégager la porte. On a pu commencer l'embarquement: c'est parti.


Au Caire: pas d'Ali. J'échange 60 euros pour environ 500 pounds, j'attends, je cherche des yeux, je vais voir cinq ou six personnes en leur demandant s'ils sont Ali, mais c'est raté. Au bout d'un moment je vais expliquer à un bonhomme qui me zieute depuis un quart d'heure que oui, finalement, j'aurai besoin d'un taxi, et on y va. C'est à moitié en arabe et à moitié en anglais, mais on y arrive, jusqu'à ce que je rencontre mon taxi driver - Ali aussi, voyez comme l'univers s'arrange pour que tout cadre - et qui ne parle pas un mot d'anglais. Je veux aller au métro Dokki parce que mon amie habite là-bas - c'est ma phrase préparée en arabe que je lui ai répétée cinq fois, et ça devait lui plaire parce qu'il m'a raconté sa vie pendant tout le trajet. Rien compris, bien sûr, et encore moins répondu, mais je hoche très bien la tête d'un air convaincu.

Je finis par trouver l'immeuble d'Anissa, l'amie d'amis de cousine qui m'attendait pour m'héberger les premiers jours, et après explications chaotiques au baouab (le portier), dans mon arabe fluide et fleuri comme vous l'imaginez, j'entre. Appart superbe, grand salon, trois chambres, salle à manger, autre salon, cuisine, salle de bain et balcon, et voici la vue, prise ce matin à l'aube, quand les klaxons continuent à brailler sans faillir et réveillent les oiseaux. (Je rigole, moi j'ai roupillé jusqu'à 10h).











J'ai retrouvé Marion sur la place Tahrir, (Marion, c'est une Sciences pote de Lille que j'ai rencontré parce qu'elle vient passer 2 mois au Caire pour un stage à l'ONU, elle aussi), de l'autre côté du Nil et à deux stations de métro de chez Anissa. Le métro du Caire, c'est le même qu'à Paris. Mêmes entrées avec le courant d'air, mêmes tourniquets, mêmes bureaux vitrés pour vendre les tickets - sauf que les tickets sont jaunes et qu'il y a des grandes images de femmes en pagne et coupe de cheveux Cléopâtre avec des fleurs de papyrus sur les murs. C'est comme ça que vous savez où vous êtes, si jamais vous vous posez la question un matin, la tête dans le brouillard...

Sur la place Tahrir, ça chauffait pas mal. Il y a eu des clashs hier, visiblement pour que Tantawi, le président par intérim et ancien Ministre de la Défense de Mubarak, accélère les réformes constitutionnelles. C'est déjà arrivé plusieurs fois depuis la Révolution de janvier, mais hier c'était plus violent, quelques morts, beaucoup de blessés et quelques personnes emprisonnées (les chiffres varient selon les sources, bien sûr). On a commencé à faire le tour et s'approcher un peu, mais des gas lacrymogènes se dégagaient du bout de la rue et piquaient les yeux, alors on s'est éloignées.

C'est très grand le Caire, et on a l'impression de devoir traverser le périphérique en permanence. Un aimable Cairote qui nous a embarquées avec lui pour nous montrer sa galerie d'art, composée de papyrus peints couverts d'Horus, Osiris et Ramsès II selon les goûts, nous a montré la technique. Vous descendez du trottoir et avancez vos ptits pieds sur la chaussée, pour bien montrer aux chauffeurs déchaînés que vous voulez traverser, vous regardez des deux côtés et vous foncez en levant les bras et en priant Allah qu'ils ralentissent. Jusqu'ici, ça a marché.

PS: pour les papyrus, je vous propose une magnifique occasion parce que vous êtes un ami, un papyrus Cléopâtre avec votre nom et celui de votre mari (ou votre amoureux, ça ira aussi) peint dessus pour seulement 50 pounds.

Le plus impressionnant, c'est le Nil. La Seine peut aller se rhabiller, n'en déplaise à Apollinaire. C'est immense, c'est bordé de jardins verts et luxuriants piqués de fleurs roses et d'immeubles élancés, sans hardiesse dans les formes mais harmonieux et imposants. La traversée du pont est rude au zénith et sans chapeau, mais la brise du Nil en vaut le coup.

Je vais peut-être pouvoir rester dans l'appartement avec Anissa et Patricia, une coloc polonaise; peut-être pas, mais je vous tiens au courant...

2 commentaires:

  1. Yehi ! "Ah l'aventure compagnon, non c'est pas fait pour les couillons..." Contente de voir que tu prends tes marques, sont-ce les marques de pneus de mille dérapages en urgence :) Ecris un max !

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  2. Ravie de te lire ! Je vais suivre ton carnet de voyage plus régulièrement que celui de la Colombie. On se laisse vite déborder par les innombrables articles talentueusement fournis que tu arrives à nous pondre malgré une vie bien remplie et trépidante. Pas de folies hein, les gaz lacrymogènes c'est pas bon pour toi. A très vite :)

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